Manao Ahoana

Publié le par letourdemadagascaren134jours

 

10h16 ce lundi 14 novembre 2011 … le soleil est radieux à travers le hublot, nous nous posons sur le sol malgache … Haja, le directeur du centre est venu me chercher avec Valentine et son oncle qui vont faire la route avec nous vers Antsirabé. Nous montons dans une R9 … ne cherchez pas la ceinture, il n’y en a pas, quant à l’ouverture des fenêtres, il faut demander la poignée car le mécanisme est cassé … Nous traversons la capitale. Antananarivo est semblable à une fourmilière où se mèlent des passants frôlés par des voitures ou des pousses-pousses, des enfants en uniforme qui rentrent de l’école  mais aussi des animaux qui traversent la route … tout le monde n’a qu’à entendre le klakson, le frein n’est qu’en option ! Je suis déjà dans l’ambiance grâce à un cours de malgache en voiture ! Nous pénétrons dans la campagne malgache, les paysages de rizières en espalier sont magnifiques. Une douceur s’y dégage quand on observe ces cultivateurs repiquer le riz tranquillement au rythme du « moura moura » (doucement, doucement) !

Arrivés au centre APAEA, tout le monde me connait déjà ! L’accueil est vraiment chaleureux ! Je m’installe dans une maison conçue pour les volontaires de passage. C’est simple mais j’ai tout ce qu’il me faut !

Ce mardi 15 novembre, je suis réveillée vers 6h30 par des chants d’enfants qui attendent que l’école  commence à … 7h00 ! Sœur Yvonne, la directrice du centre, me fait la visite des lieux. Nous passons dans chaque classe. A peine Sœur Yvonne entrée, les enfants sont tous debouts et l’accueillent par un « Bonjour ma Sœur » tous en chœur ! Plus tard, je visite le lycée pour rencontrer les lycéens à qui je donnerai des cours de français. Nous passons dans chaque classe et Haja me demande de leur dire quelque chose en malgache !! Quand on ne sait dire que « bonjour », « au-revoir » et « merci », on n’est pas à son aise du tout!!

Je visite la ville d’Antsirabé avec Noro, l’aide-comptable du centre. La promenade est rythmée par le son des « vasa », « vasa », « vasa », ce qui signifie « blanc, étranger » ! Là, on peut voir une vendeuse derrière son étale de 10 téléphones portables, plus loin une autre vend des beignets et autres gourmandises du pays. En face, une dizaine de tireurs de pousses pousses attendent un client, à quelques pas de là un joueur de flûte mendie sur le pont … Ce petit commerce est la règle à Madagascar, pourvu qu’ils puissent acheter suffisament de riz pour nourrir la famille grâce aux gains de la journée !

Le midi, j’aide à la cantine. 500 enfants y passent entre 11h et 13h30. Ils viennent du centre et des écoles alentours. Ecoliers, collégiens, lycéens et étudiants mangent sensemble. Ce midi, c’est maïs. Demain, ça sera donc riz … et ainsi de suite. Le riz est l’aliment présent à chaque repas. Ici, on a décidé d’alterner avec du maïs pour inciter les familles à varier un peu leur alimentation. Lala, la cuisinière a déjà cuit le repas le veille, à 5h00 Joseph se lève pour allumer le feu et réchauffer les grandes marmites. Je comprends au bout de quelques temps qu’il faut veiller à remplir l’assiette en fonction de l’âge de la personne qui la reçoit. A peine 2 louches pour les petits, 3 louches pour les plus grands. La « vasa » n’était pas au courant, et voilà deux petites mains qui dérobent un assiette pleine … ! Certains enfants reviennent demander de la nourriture, les serveuses acceptent car elles connaissent les situations familiales de chaque enfant. Pour la majorité, ce repas sera le seul de la journée … pourtant, c’est avec un sourire magique que ces enfants  viennent te demander du supplément ! Quand c’est au tour des universaitaires d’arriver, ces sourires s’accompagnent de « comment t’appelles tu ? », « Tu pourrais m’écrire une lettre de motivation pour un stage ? » … ! Paresseux va, je te la corrigerai avec plaisir !! Quand ils ont fini de manger, ces enfants vont vers des robinets dans la cour. Là, chacun lave son assiette et sa cuillère puis se brosse les dents. Il n’est par rare de voir un enfant entrer en cuisine en portant une grande bassine de vaisselle propre. Le sens de la vie en communauté et de la responsabilité est ici beau à voir !

J’ai ensuite demandé à assister à des cours de français.  Je souhaitais prendre le temps d’observer et d’analyser, préalables indispensables pour pouvoir m’adapter et ne pas arriver « avec mes grands sabots » quand je prendrai les classes. Ici, on trouve ma demande surprenante et on veux m’intégrer dans le cours tout de suite. Je m’empêche de comparer ou de porter un quelquonque jugement de valeur mais je dois très vite oublier les règles d’or d’un « bon cours » à la française ! L’enseignant arrive avec deux revues datant de 1995, « psychologie » et une revue d’Air-France … il propose aux élèves de les feuilleter et de se les passer !! Ensuite,  ces élèves de première sortent leur cahier sur lequel ils ont recopié un texte sur …la révolution industrielle française et ses conséquences sur le chômage ! Les élèves ne laissent entrevoir aucune motivation, il faut avouer que le thème n’est pas des plus adaptés pour interpeller les élèves ! Je pense qu’il s’agit ici d’ une conséquence des dons de manuels qui arrivent tout droit de France ! Par ailleurs, le cours est rythmé par la règle du « moura moura …ici pas « d’alternance entre de l’oral et de l’écrit, du récit de l’enseignant et de la participation des élèves » pour dynamiser le cours …le professeur est resté une heure sur la signification du mot « inversement proportionnel » !! Dès le lendemain,  je me lance.  Je prendrai chaque classe deux heures par semaine pour surtout faire de l’oral.  Seconde, 1S, 1L, termS, termL. Temps pis, je tente une toute autre approche. Je leur propose une activité ludique pour à la fois se présenter tout en les faisant parler de ce qu’ils aiment à Madagascar. J’apprends plein de choses. Ce premier cours avec 13 1ère S est un régal. Ils me parlent de l’exhumation,  des  fêtes familiales  qui suivent la première coupe de cheveux des petites filles ou la circoncision des petits garçons, de leurs lieux favoris dans le pays … c’est passionnant et je crois que ça leur plait aussi ! Le lendemain, je refais la même activité avec les secondes . Cette fois ci, ils sont … 43 ! Bougeants mais tous captivés par le cours. Ici encore, le sens des responsabilité est intégré … nous étions 5-6 personnes pour ranger la salle de classe à la fin de la journée. Pendant le cours, j’ai demandé si tout le monde avait fini d’écrire pour pouvoir effacer le tableau, à ce moment là, un élève se lève pour venir l’effacer !! Adaptation signifie aussi un « Notre Père » avant et après le cours !! Mine de rien, ça calme avant de commencer !!! Cependant, ce calme est vite remplacé par des fous rires quand je me lance pour faire l’appel, certains prénoms sont imprononçables … !

Deux jours par semaine, je suis en classe d’alphabétisation avec des enfants qui ont au minimum 5-6 ans. Ces enfants sont là un an, avant d’intégrer l’école normale. Ils n’ont pas pu l’intégrer auparavant pour deux raisons. Premièrement, la plupart  ne sont pas déclarés à l’état civil car leur maman a accouché à la maison, les frais d’une naissance à l’hôpital, pourtant obligatoire, étant trop onéreux pour ces familles. Deuxièmement, ces enfants ne sont pas vaccinés. Or, c’est une condition pour rentrer à l’école. Ainsi, pendant cette année, le centre s’occupe de régulariser et de vacciner ces enfants pour qu’ils intègrent, dès l’année prochaine, l’école classique. Dans cette classe d’alphabétisation, ils sont une quarantaine! L’institutrice me demande si j’ai préparé quelque chose … je me lance dans une improviosation de comptine…, ils apprennent très vite et sont craquants !! Au premier rang, Gaston reste assis, ne  chante pas et a un regard fuyant et triste . Ygette, l’institutrice, lui demande ce qu’il a. Il lui confie qu’il n’a pas dormi car ses parents se sont disputés toute la nuit et qu’il n’a pas mangé ce matin. Ces réalités sont révoltantes et il est parfois difficile de ne pas culpabiliser en tant que « riche blanche ». Malgré un désir réel d’intégration, je reste une « vasa » qui a pu se payer un billet d’avion et qui est de toute façon, plus riche qu’eux, économiquement parlant . La posture à adopter pour ne pas étaler cette richesse n’est pas évidente du tout. L’après-midi, j’ai proposé de leur montrer le dessin-animé « Madagascar » … avec mon ordinateur portable. Ygette  avait un regard envieux quand je l’ai sorti. J’ai alors eu l’impression d’avoir fait une erreur mais je n’ai pas regretté en voyant Gaston captivé par le dessin-animé. Pendant 1h30, il a oublié ses soucis. Il est redevenu enfant, tout simplement.  Je ressens cette même gène lorsque je sors mon appareil photo. Alors, par respect,  je demande aux gens avant de les photographier. Pourtant hier, lorsque la photo était prise, un homme m’a demandé de l’argent… c’est flagrant de voir comment certaines relations sont conditionnées par cet « instinct de survie » inévitable et tout à fait légitime !

Mercredi après-midi, j’ai accompagné Ygette et Njara, les deux institutrices de la classe d’alphabétisation,  pour visiter des familles d’élèves. Ces visites font partie intégrante de leur mission d’enseignante. Nous nous promenons donc dans le quartier d’Ampatana qui est le plus pauvre d’Antsirabé. Les habitants me regardent d’un air surpris, les touristes vont rarement dans ce quartier. Quand je leur dis « Manao ahoana » (Bonjour), ils sourient et me répondent parfois « Bonjour » !! Apprendre les bases de la langue du pays est essentiel, par cette simple attention, je leur montre que leur culture m’intéresse. On ne parle pas la même langue mais le sourire, lui, est international !! Nous rentrons dans des maisons. La première est en hauteur et la porte d’entrée n’est pas plus grande qu’une fenêtre. Nous ne pouvons nous mettre debout, peu importe, la maman de la maison m’indique de m’asseoir sur la natte. C’est sur cette natte que dort toute la famille, c'est-à-dire la maman et ses cinq enfants. Le papa ? Comme dans beaucoup de familles malgaches, il a préféré partir plutôt que de ne pas pouvoir nourrir sa famille. Les femmes seules avec enfants sont extrêmement nombreuses. J’apprends plus tard que l’enfant qu’elle allaite revient de l’hôpital où il a été soigné pour malnutrition. Et pourtant, un sourire, une poignée de main sincère, l’accueil est  chaleureux. C’est une histoire similaire qui est arrivé à Noro, l’aide comptable qui me guide en ville. Il y a 8 ans, sa deuxième fille, Murielle, est née avec une déformation. Le papa en a conclut que sa femme portait un mauvais sort, il l’a donc quitté … Nous continuons notre périple et nous nous arrêtons chez une autre famille, la maison est un petit peu plus grande et il y fait très chaud . Cette chaleur vient du four où cuisent des brioches. Cette famille vit de la vente de ces patisseries. L’association APAEA l’a aidée à s’équiper et maintenant, ils sont autonomes.  Ils nous offrent une brioche à chacun pour nous accueillir.

Le week-end, j’en profite pour découvrir le pays. Ce samedi, nous partons avec Noro, Joseph, Madison et Peterson vers le marché de Zébus. Les paysages sont vallonés et rouges, très rouges. Là bas, des hommes négocient des bœufs ou des zébus. Ce marché serait le deuxième plus grand du pays. J’attends de m’y connaitre davantage pour choisir celui que je ramenerai en France ! En chemin, j’ai le droit à un véritable cours de botanique, la flore malgache est très riche et très variée. Je suis impressionnée par le nombre de fruits que nous méconnaissons en France ! Nous discutons beaucoup avec ce petit groupe. Nous parlons des « fady », autrement dit des « interdits », très nombreux à Madagascar. Par exemple, demain, nous allons au lac Andraikiba, il nous est interdit d’y amener de la viande de porc ! Pour la descente d’une rivière en barque, il est interdit de porter un vêtement rouge. En bonne française rationnelle, je demande pourquoi, il n’y a pas d’explications, c’est comme ça ! Ensuite, nous errons dans le « marché du samedi », le plus grand du pays. Là, tout est zoné, d’un côté les vêtements, de l'autre la viande, suivie des céréales …c’est immense, heureusement que je suis accompagnée ! Pour finir, nous nous arrêtons chez Ygette, l’institutrice. Elle a un bon métier (salaire de 100 000 ariary/mois, c'est-à-dire environ 35€) et son mari qui est cotonnier aussi. Leur bonne situation se voit à leur maison, rien à voir avec les familles du quartier d’Ampatana visitées le mercredi. Comme le veut la tradition chez les malgaches, quand quelqu’un arrive pour la première fois dans une maison, on lui propose une cuillère d’huile ou une cuillère de miel … autant vous dire que le choix a été rapide ! Nous sommes restés longtemps dans cette famille car la pluie accompagnée de beaucoup de vent s’est mise à tomber. La saison des pluies vient de commencer et durera jusqu’à mars (non, la bretonne n’en a pas fait exprès !). C’est impressionnant, le matin il fait un soleil de plomb et en fin d’après-midi, après la pluie, le pull est le bienvenu et nous avons les pieds dans l’eau ! Le soir, nous allons en ville pour acheter les piques-niques pour notre expédition du lendemain. La nuit va commencer à tomber, nous emmenons donc Joseph avec Noro et moi car ça devient dangereux de rentrer de nuit. En ville, pas de soucis par contre dans le qurtier d’Ampatana où se trouve le centre, il y a beaucoup de briguandage, conséquence de l’extrême pauvreté. Je demande à Sœur Yvonne s’il y a déjà eu des meurtres … elle me réponds sereinement « je n’en ai pas encore vu » … Même avec le plus musclé des gardiens qui m’accompagnait au retour, je n’étais pas du tout  rassurée !! Sœur Yvonne m’explique que ces briguands sont les parents de nos élèves et qu’ils n’ont pas d’autres solutions pour vivre. Cependant, ils ne s’attaquent pas au centre, qui est le lieu où leurs enfants étudient et d’où vient leur parrainage pour certains.

Dimanche, nous sommes huit  à partir en expédition au lac Andraikiba. Nous montons dans le bus où nous sommes très serrés ! Des passagers demandent en riant à mes compagnons de route pourquoi je prends le bus et non une voiture particulière comme la plupart des touristes ! Ne serais ce pas justement la différence entre un touriste et un voyageur ? ! « Vivre avec », voilà une des exigences du voyageur ! Ce lac, entouré de collines est magnifique. Sur ces collines, il est impressionnant de voir comment le moindre lopin de terre est exploité. La pente n’est pas un obstacle grâce à la culture en espalier. Ici, la polyculture est la règle. Par exemple, les haricots poussent à l’ombre du maïs … tout est très ingénieux !  Pendant ce tour du lac, je fais connaissance avec Anna et Murielle, les deux filles de Noro, qui ont 10 et 8 ans. Nous ne parlons pas la même langue … peu importe, on prend un bout d’herbe entre les pouces et ça fait de la musique, on fait la course jusqu’au prochain croisement, on chante, on se sourit… et c’est magique !

Ce matin, j’ai donné mon linge à une lessiveuse, Claudine. J’aurai pu le laver moi-même mais elle vit de ce métier et les lessiveuses galèrent pour trouver des clients. Alors, j’ai choisi de l’aider ainsi. C’est en échange de ses services que je la paye, là est toute la nuance avec un don gratuit.

Demain, j’irai m’inscrire à la mairie du quartier car j’y séjourne plus d’un mois … me voilà donc officiellement adoptée par « la grande ile » !

Voilà, chers français, j’ai été bavarde pour ce premier article écrit depuis « l’ile rouge » mais l’aventure humaine que je vis ici est extraordinaire et marquante, alors j’espère vous avoir fait un peu voyager avec moi !

 

Veloma !

 

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B
Magnifiques photos !!! Thanks :D
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B
Hey mais tu as l'air de vivre quelque chose d'extraordianaire ! Prend ton pied ( quelle souplesse :p ) bébé !<br /> J'espère que tu as des cannettes vides dans ton frigo !<br /> Et c'est pas parce que tu n'es plus en France que tu as le droit aux autes: "sensemble? " apprend à nouveau ta langue darling !
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B
Ah oui très bavarde !!! J'ai quand même tout lu !!!<br /> Reste plus que tu y ajoutes quelques photos et on sera vraiment parti avec toi le temps de ton article !!!!<br /> Porte toi bien et savoure !!!! :)<br /> Tchoo la vasa !!!
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